Chapitre 7 ~ Une traversée
Sa maîtresse avait pleuré. C’était bien la première fois que Zhou Mi voyait ça. Et pourtant il était avec elle depuis des années. Lui qui croyait qu’elle était réellement sans cœur. Il s’approcha.
« Maîtresse ? Pourriez-vous nous expliquer ce qu’il vient de se passer ? »
Plus formel tu meurs.
Elle se retourna, découvrant une traînée grise sur sa joue.
« … Non. C’était un ancien… Ami. Mon ancien apprenti. On devrait y aller. »
Un ami ? Le chambellan leva un sourcil. Elle était donc capable d’avoir des amis ? Enfin, vu les retrouvailles, il avait dû se passer des choses. Mais la Rougegarde ne semblait pas disposée à en parler pour le moment.
Kyuhyun s’était figé devant la véhémence du dénommé Sungmin. Une abomination ? La Traîtresse de Sithis ? Tout cela lui faisait légèrement peur. Et cette larme noire aussi. Il ne connaissait aucune légende sur des gens qui pleuraient noir.
Le reste du voyage se fit dans le silence le plus complet. Même les animaux semblaient respecter la douleur de Vic et ne s’approchait pas, au grand soulagement de Zhou Mi, qui ne voulait pas avoir affaire à un autre de ces horribles crabes. Les deux compagnons étaient extrêmement curieux. Ils voulaient savoir. Peut-être la guerrière allait-elle leur dire un jour ?
Le soir tomba. Vic s’arrêta sur un petit îlot où se tenait un pin parasol.
« Nous camperons ici. Solitude ne doit plus être très loin. Mais mieux vaut ne pas voyager de nuit. »
Sans un mot de plus, elle alluma un feu à l’aide d’Incinération et alla s’installer sur un petit rocher très loin du camp, au grand étonnement de Zhou Mi et Kyuhyun. Surtout de Zhou Mi, qui pensait qu’elle allait lui sauter dessus pour chasser ses idées noires. Après vingt minutes sans bouger, ça commençait à l’inquiéter franchement. Surtout que le Khajiit était roulé en boule et dormait depuis longtemps. Normalement, elle en aurait profité. Mais elle restait plantée sur son caillou, à fixer le sol. Et puis il commençait à faire froid. Depuis tout ce temps passé au manoir, il avait oublié à quel point les nuits en Bordeciel étaient glaciales. Et elle était à peine couverte. Il se frappa violemment la tête contre le sol. Hors de question de penser à lui venir en aide ! Cette femme était un monstre, une abomination comme l’avait dit son apprenti, Sungmin, qu’elle meure de froid, ça lui fera les pieds. Quoique… Si elle n’était plus là, qui le protègerait des vasards ? Et d’autres trucs certainement plus horribles encore ? Et puis zut.
« Maîtresse, vous allez attraper le fièvre des marais. Venez près du feu… »
Vic avait à peine entendu son chambellan parler. Plongée dans son passé, elle se leva comme un automate et enlaça mécaniquement Zhou Mi – qui était bien plus grand qu’elle.
« Sungmin… Pardon… »
« Ah. »
C’était lui ou elle l’avait appelé Sungmin ? C’était pas le nom du type qui l’avait menacé tout à l’heure ? Tiens, c’était étrange d’être enlacé comme ça, presque tendrement. Sa maîtresse n’avait encore jamais fait ça, ou alors c’était suivi très rapidement par quelque chose de plus… Mouvementé. Et comme elle n’avait pas l’air de vouloir partir, Zhou Mi l’entraîna vers sa couche. Elle se laissa facilement faire, sauf quand il essaya de l’écarter de lui. Bon, et bien… Il allait devoir dormir avec elle. Seul problème : il ne savait pas où placer ses mains. Derrière elle ? Oh non, certainement pas. Avec sa chance, elle allait se réveiller en pleine nuit et le voir avec une main sur ses fesses. Devant, entre eux deux ? Impossible, on ne pouvait même pas passer une lame de couteau tellement ils étaient serrés. Il dû se résoudre à prendre une posture des plus acrobatiques pour ne la toucher nulle part.
« Bonne nuit… » marmonna-t-il, sentant qu’il allait passer une superbe nuit.
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Le lendemainLe Fleuve Karth. La frontière entre Haafingar et Hjaalmarche. Elle n’avait pas prévu l’absence de pont.
Zhou mi soupira, encore épuisé par cette nuit. Surtout quand il avait réalisé que sa maîtresse avait passé la totalité de la nuit SUR lui. Et que du coup elle avait profité de la grasse matinée de Kyuhyun pour faire tout ce qu’elle n’avait pas pu faire la veille… Elle était vraiment irrécupérable. Et dire qu’il avait failli abandonner et laisser sa main passer derrière elle…
« Bon, et bien… Il ne nous reste plus qu’à trouver un pont. »
Vic lui claqua l’arrière de la tête.
« T’es vraiment une tapette. Allez, on y va à la nage ! Ça va nous réveiller ! »
Kyuhyun, qui avait été discret jusque là – surtout qu’il n’avait pas fait la grasse matinée et avait par conséquent tout entendu –, se précipita à l’aide du chambellan.
« Vic, excusez-moi, mais je le soutiens totalement ! Vous avez vu la largeur du Fleuve ? On ne pourra jamais arriver vivants jusqu’au bout ! » s’écria-t-il.
La Rougegarde se retourna, le fixa un moment et pouffa de rire.
« Naaaaan… T’as peur de l’eau ? Remarque, t’es un chat, c’est plutôt normal… »
Le poil du Khajiit se hérissa, prouvant que la guerrière avait raison.
« B… Bien sûr que non ! »
« … Ça te sert à quoi de mentir ? »
Kyuhyun baissa la tête. Elle était perspicace.
« Bon, tu as de la chance, je suis dans un bon jour. Je te porterais. »
Elle se tourna vers Zhou Mi.
« Rassure-moi. Tu sais nager. Tu es un Nordique, même si tu en as pas l’air, et tous les Nordiques savent nager. »
L’interpellé acquiesça sans l’ombre d’une hésitation. Il savait au moins faire ça.
« Bien. Allons-y ! » cria Vic en s’élançant dans l’eau glacée, Kyuhyun sur les épaules, Zhou Mi sur les talons.
La traversée se déroula sans encombre. Enfin, presque – car une traversée de fleuve n’est JAMAIS sans encombre en fait.
Alors qu’elle avait lancé de toutes ses forces le jeune Khajiit sur la berge – elle ne le supportait plus, lui, son poids et ses foutues griffes –, Zhou mi se sentit pris d’une soudaine montée de curiosité. Il voulait savoir pourquoi elle l’avait appelé Sungmin la nuit dernière – personne n’aimerait être dans la tête de ce type.
« Maîtresse ? »
« Oui ? » répondit-elle en buvant légèrement la tasse.
« Pourquoi… Pourquoi m’avait-vous appelé Sungmin hier soir ? »
Elle se figea. Littéralement. Comme si tous ses membres étaient pris de crampes foudroyantes. Elle commença à couler. L’eau commençait à emplir ses poumons. Elle n’arrivait plus à bouger. La crispation avait été telle qu’elle avait été complètement paralysée.
Zhou Mi regarda d’abord sans comprendre. Quand elle commença à être emportée par le courant, il sut qu’elle ne pouvait plus bouger, plus nager. Que s’il n’intervenait pas, elle allait se noyer.
Peut-être qu’il avait voulu ça, inconsciemment.
Solitude était juste derrière, à quelques centaines de mètres. Ses yeux devinrent froids. Il avait enfin cette occasion de se débarrasser d’elle. De pouvoir vivre normalement.
Tout ce qu’il avait à faire, c’était de rejoindre la berge tranquillement.
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